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BENIS SOIENT LES POETES

 
 
 
PROTECTION SACD (Société des Auteurs Compositeurs Dramatiques) - dépôt d'enregistrement 
 
 
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(Titre d’origine : BENIS SOIENT LES POETES)  
 
 
 
TITRE : LES AVENTURES FANTASTIQUES DE ROBERTO 
 
Dans : 
 
« BENIS SOIENT LES POETES ! » 
8-ième épisode) 
 
ROBERTO 
MAMOUZELLE 
AUGUSTIN 
LE COMTE DE LA BOUCHE6EN-BIAIS 
SYLVESTRE (Le Facteur) 
 
LIEU : « L’AUBERGE DE LA LICORNE » (Située à l’écart du village de Maison-Du-Bois Doré, dans le Midi de la France) 
 
GENRE : Comico Poétique 
 
EPISODE 8 : « BENIS SOIENT LES POETES » (1998) (Pièce illustrée) 
Première partie de la pièce du même titre « Bénis soient les poètes »  
 
 
AUTEUR : CASALI EMILIEN 
 
PROTECTION SACD  
Contact : Emilien CASALI (France) 
e-mail : casali.emilien@wanadoo.fr 
 
 
http://emiliencasali.populus.ch/ 
http://compballadins.populus.ch/ 
 
 
 
PROLOGUE 
 
MAMOUZELLE, SYLVESTRE 
 
SYLVESTRE 
Ohé ! Il y a quelqu'un là-dedans ? J'ai un message oral à communiquer à Mamouzelle. Où est-elle passée, enfin ? Il est dix heures. 
 
MAMOUZELLE 
Ce n'est pas la peine de crier aussi fort, Sylvestre, je vous ai entendu.  
 
SYLVESTRE 
Nous sommes lundi matin, Bergère. 
 
MAMOUZELLE 
Et alors ? 
 
SYLVESTRE 
C'est aujourd'hui que débute ma tournée matinale. 
 
MAMOUZELLE 
Et après ? 
 
SYLVESTRE 
Eh bien, vous êtes la première personne à qui je viens rendre visite. Votre week-end s'est bien déroulé ? 
 
MAMOUZELLE 
Oui, si l'on veut. 
 
SYLVESTRE 
Votre époux est rentré de sa virée ? 
 
MAMOUZELLE 
Dites-moi, facteur, vous travaillez pour les renseignements généraux maintenant ? Toutes ces questions... 
 
SYLVESTRE 
A vrai dire, je m'inquiète un peu pour vous, ces jours-ci.  
 
MAMOUZELLE 
De quoi je me mêle ! 
 
SYLVESTRE 
Cool, cool, ma petite dame ! 
 
MAMOUZELLE, tend la main 
Vous ne deviez pas me communiquer un message ? Eh bien, j'attends. 
 
SYLVESTRE 
C'est à dire que je dois vous le transmettre oralement.  
 
MAMOUZELLE 
Que me chantez-vous là ? 
 
SYLVESTRE 
C'est de la part d'Augustin, votre époux. 
 
MAMOUZELLE 
S'il a quelque chose à me dire, eh bien, il sait où me trouver.  
 
SYLVESTRE 
Seulement voila, ce dernier a décidé de quitter le domicile conjugal définitivement. 
 
MAMOUZELLE 
Comment ça ? 
 
SYLVESTRE 
Je crois bien que vous l'avez mis à la porte, hier après-midi ?!  
 
MAMOUZELLE 
C'est lui qui vous a dit ça ? Mais d'abord, en quoi ma vie privée vous regarde-t-elle ? 
 
SYLVESTRE 
C'est à dire qu'Augustin a passé la nuit chez moi. 
 
MAMOUZELLE 
Chez vous ? 
 
SYLVESTRE 
Et même qu'il y est encore !… Que voulez-vous, je n'allais pas laisser ce pauvre homme à la rue. Vous imaginez ce qu’en penserait le voisinage. 
 
MAMOUZELLE 
Oh, mon dieu ! Que je suis idiote ! Je l'ai rendu malheureux.  
 
SYLVESTRE 
Vous avez du remord ? 
 
MAMOUZELLE 
Alors, comme ça, il ne reviendra plus ici. 
 
SYLVESTRE 
Exact !  
 
MAMOUZELLE 
Et dire qu'il sera papa dans quelques mois. Il ne peut tout de même pas m'abandonner ainsi. 
 
SYLVESTRE 
Quand je pense que vous formiez le plus beau couple du voisinage.  
 
MAMOUZELLE 
Oui, mais en ce temps-là, c'était différent. Monsieur Augustin ne se comportait pas comme un ivrogne, il avait pour moi de l'estime, il ne quittait pas son domicile conjugal pour un oui ou pour un non pour partir en virée je ne sais où ? 
 
SYLVESTRE 
Que voulez-vous... les temps changent. Aussi, il va falloir vous faire une raison. 
 
MAMOUZELLE 
Je me souviens lorsqu'il foula le pas de cette porte pour la première fois. 
 
SYLVESTRE 
Et ça remonte à quand cette première fois ? 
 
MAMOUZELLE 
C'était au début de l'automne de cette année-là... 
Mamouzelle rentre dans la cuisine, suivie de Sylvestre 
 
 
FIN DU PROLOGUE 
 
 
-------- 
 
ACTE 1 / SCENE 1 
 
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS, 
AUGUSTIN, MAMOUZELLE 
 
Dix ans plus tôt... toujours à l'Auberge DE LA Licorne... 
LE COMTE, est agenouillé; vêtu d'un peignoir 
«  Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille. 
Tu réclamais le Soir; il descend; le voici: 
Une atmosphère obscure enveloppe la ville, 
Aux uns portant la paix, aux autres le souci. 
Pendant que des mortels la multitude vile, 
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,  
Va cueillir des remords dans la fête servile,  
Ma douleur, donne-moi la main; viens par ici, 
Loin dieux. Vois se pencher les défuntes Années;  
Sur les balcons du ciel, en robes surannées;  
Surgir du fond des eaux le Regret souriant;  
Le Soleil moribond s'endormir sous une arche,  
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,  
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche. 
 
Charles Baudelaire (Recueillement) 
 
Après quoi il rentre dans la chambre 
 
 
AUGUSTIN, fait son entrée 
Mamouzelle ! Mamouzelle ! Comment se fait-il qu'elle ne soit pas là pour m'accueillir ? (Il porte un sac à dos) 
 
MAMOUZELLE, sort des chambres 
Voilà ! Voilà ! Un peu de patience.  
 
AUGUSTIN 
Deux minutes de plus et je repartais. 
MAMOUZELLE 
Monsieur est de retour ? ! 
 
AUGUSTIN 
Le parfum de cette région était si doux la fois passée.  
 
MAMOUZELLE 
Votre premier passage dans la région remonte au printemps dernier, je crois bien !? 
 
AUGUSTIN 
Nous voici en automne à présent ! C’est une saison que l’on dit très agréable par ici. 
 
MAMOUZELLE 
C'est aussi la saison pour remettre les pendules à l'heure.  
 
AUGUSTIN 
En tous cas, pour moi, c'est l'époque rêvée pour effectuer une pose bien méritée. 
 
MAMOUZELLE 
Soyez le bienvenu à l’Auberge de la Licorne ! Votre voyage fut bon, Monsieur ?  
 
AUGUSTIN 
Vous pouvez m'appelez Augustin. 
 
MAMOUZELLE, lui retire son sac à dos 
Laissez-moi vous aider à retirer votre fardeau.  
 
AUGUSTIN 
Mon voyage aurait pu être bon s'il n'avait été aussi long. Je suis éreinté, voyez-vous... 
 
MAMOUZELLE 
Ne me dites pas que vous avez traversé le pays à pied cette fois encore ?  
 
AUGUSTIN 
Je voulais achever mon pèlerinage de cette façon, mettant ainsi un terme à ma longue quête... la sagesse s'abat sur moi, dirait-on ?!  
 
MAMOUZELLE 
Etes-vous certain de faire le bon choix en revenant ici ?  
 
AUGUSTIN 
Je me sens assez mûr à présent pour me sédentariser.  
 
MAMOUZELLE, lui sert un verre 
Je vous sers un verre de Champinelle ? Il provient de la propriété viticole de monsieur le Comte de la Bouche-en-Biais.  
 
AUGUSTIN 
Volontiers ! A nos retrouvailles ! (Un temps) Mais dites-moi, Mamouzelle, Roberto est arrivé ? 
 
MAMOUZELLE 
Pas encore. 
 
AUGUSTIN 
Le *Prince des étoiles* se serait-il égaré en chemin ?  
 
MAMOUZELLE, lui remet un message 
Votre Compagnon a laissé un message pour vous. 
 
AUGUSTIN 
Il ne lui est rien arrivé de grave, au moins ?... voyons voir...  
 
MAMOUZELLE 
S'agit-il de mauvaises nouvelles ? 
 
AUGUSTIN 
Tenez, Mamouzelle, lisez-le ! … je me sens bien las tout d'un coup. D'ailleurs, je vais m'asseoir… après une aussi longue marche...  
 
MAMOUZELLE 
Je regrette...il s'agit-là d'un message personnel vous étant adressé ! Je ne saurais... 
 
AUGUSTIN 
Dans ce cas, je ne vous en confierai que la lecture !  
 
 
MAMOUZELLE 
Comme il plaira à monsieur Augustin.  
(Puis elle lit le contenu à haute voix) 
 
« Cher Compagnon, 
 
En cette saison Automnale commence pour moi un long repos; 
Mes longues balades estivales s'achèvent; ce n'est pas trop tôt. 
J'ai par trop usé mes semelles en marchant de travers; 
Chassé l'oubli incommensurable que mon âme s'infligeait; 
Fuir ce que j'étais, devenir l'esclave d'Antiques passés. 
Je désire par-dessus tout vivre et me mouvoir à chaque instant; 
Ne plus fuir le quotidien, et prendre l'Automne pour témoin; 
Cher Compagnon, ami de la providence,  
Bientôt, pour chacun de nous l'amour rejaillira, 
Les temps nouveaux approchent à grand pas. » 
 
LE COMTE, sort des chambres  
Mamouzelle ! 
 
MAMOUZELLE 
Que faites-vous debout, Monsieur le Comte ? Avec votre fièvre, ce n'est pas prudent. 
 
LE COMTE 
Je me sens un peu mieux. Ne vous en faites pas. 
 
AUGUSTIN 
Christophe Charles Henri de la Bouche-En-Bié ! 
 
LE COMTE 
Christophe Rodolphe Charles Henri René Christian Bernard de la Bouche-en-Biais, en Biais, Comte de Maison-Du-Bois Doré ! Lui-même ! Se connaît-on ? 
 
AUGUSTIN 
C'est à dire que l’on parle beaucoup de vos péripéties amoureuses dans le voisinage et donc... 
 
LE COMTE 
Votre visage ne m'est point inconnu. 
 
AUGUSTIN 
Nous avons fait connaissance en mai dernier dans l'une des grandes salles du château de la Via Dorée, lors d'une exposition de peinture… 
 
LE COMTE 
Je vous préviens… si vous êtes journaliste...  
 
AUGUSTIN 
Permettez-moi de me présenter : je suis Augustin, un ami de Mamouzelle... de passage à l'Auberge de la Licorne. 
 
LE COMTE 
Que suis-je distrait ! Bien sûr ! Vous êtes le poète ! Navré, je vous avais pris pour l'un de ses Paparazzis à bon marché qui passe le plus clair de son temps à vous épier où que vous soyez, et à ni importe quelle heure du jour et de la nuit… tout cela dans le but d'obtenir de vous une photo qui sera diffusée ensuite dans l'un de ces magasines à sensation, ridiculisant par là même votre image. Très honoré, cher Maître ! 
 
AUGUSTIN 
Qui aurait pu penser que le destin permette à nos routes de se croiser une seconde fois ? 
 
LE COMTE 
Et qui plus est, dans cette chaleureuse auberge située à l'écart du village de Maison-du-Bois Doré, loin des foules bruyantes et déchaînées. 
(...) Etes-vous certain que personne ne vous a suivi jusqu'ici ?  
 
AUGUSTIN 
Lorsque je pars quelque part en exil je ne laisse jamais d'adresse.  
 
MAMOUZELLE 
Votre chambre est prête, Monsieur Augustin ! 
 
AUGUSTIN 
Passez-vous du « Monsieur », je vous prie ! 
 
LE COMTE 
Dites-moi, cher Maître, comment diable se fait-il que vous échouiez en ce lieu ? Vous aussi avez été séduit par le charme et la gentillesse de Mamouzelle ? 
 
AUGUSTIN 
L'Auberge de la Licorne est l'un des rares endroits de ce monde où je peux m'y reposer en toute quiétude, à l'abri des Paparazzis. Vous voudrez bien m'excuser, monsieur le Comte de la Bouche-En-Biais, je me vois dans l'obligation de vous quitter momentanément, la fatigue s'abattant sur moi, comprenez-vous ? 
 
LE COMTE 
Je vous souhaite un prompt rétablissement. 
 
MAMOUZELLE 
Suivez-moi, Monsieur Augustin. 
 
AUGUSTIN 
Augustin, tout court, je vous prie. 
 
 
FIN DE LA SCENE 1 
 
 
 
------------ 
 
 
ACTE 1 / SCENE 2 
 
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS, MAMOUZELLE 
 
Le Comte s'assoit sur un tabouret près du bar et se prend la tête entre les Mains 
 
MAMOUZELLE, ressurgit 
Monsieur le Comte se serait-il assoupi sur la table ? Dois-je le réveiller ? Si seulement j'osais... Oh, et puis d'abord... (Elle secoue le Comte) Réveillez-vous, monsieur le Comte ! 
 
LE COMTE 
Je ne peux trouver le repos, Mamouzelle. 
 
MAMOUZELLE 
Vos soucis vous accable, c'est bien cela ? 
 
LE COMTE 
Je ne pourrais pas me remettre de mes blessures, cette fois-ci, je me sens comme l'âme et le coeur vide. 
 
MAMOUZELLE 
Certes, il va vous en falloir du temps pour oublier votre dernière conquête amoureuse. 
 
LE COMTE 
J'ai du mal à faire le deuil. Je l'aimais si fort !  
MAMOUZELLE 
C'est à chaque fois le même refrain avec vous ! Eh bien oui ! Chaque année, à la même époque, vous faites une dépression nerveuse suite à une rupture sentimentale et c'est ici, à l'auberge de la Licorne que vous venez trouver refuge et consolation. 
 
LE COMTE 
Mais cette fois-ci, c'est différent ! 
 
MAMOUZELLE 
Et en quoi est-ce si différent des autres fois ? 
 
LE COMTE 
J'avais rencontré l'amour de ma vie, et de plus, nous devions nous fiancer. 
 
MAMOUZELLE 
Vous rencontrez une personne en juin, et voila qu'en septembre vous voulez déjà vous fiancer avec elle sans même la connaître suffisamment  
bien. Quelle précipitation ! 
 
LE COMTE 
C'est en juillet que je l'ai rencontrée. 
 
MAMOUZELLE 
Monsieur aurait-il peur de finir vieux garçon ? 
 
LE COMTE 
Vous ne comprenez rien à mon désespoir. 
 
MAMOUZELLE 
Ne vous tourmentez pas autant, Monsieur le Comte, je suis persuadée que l'ami de votre coeur fera bientôt son arrivée. 
 
LE COMTE 
Elle ne me reviendra plus. 
 
MAMOUZELLE 
Je veux parler de la future fiancée de Monsieur le Comte. 
 
LE COMTE 
Il n'y aura plus jamais de nouvelle fiancée ! Monsieur le Comte en a assez, assez ! Comprenez-vous ? 
 
MAMOUZELLE 
Je vous signale que vous teniez les même propos l'an passé. Allons, laissez-moi vous raccompagner dans votre chambre. Vous avez besoin de repos.  
 
 
 
FIN DE LA SCENE 2 
 
------------- 
 
 
ACTE 1 / SCENE 3 
 
AUGUSTIN, LE COMTE, MAMOUZELLE 
 
En soirée... 
 
LE COMTE 
« Ô triste ! triste était mon âme 
A cause ! à cause d'une femme. 
Je ne me suis pas consolé ! 
Bien que mon coeur ! bien que mon âme 
Eussent fini loin de cette femme. 
Je ne me suis pas consolé ! 
Bien que mon coeur ! mon coeur trop sensible 
Dit à mon âme: est-il possible ! 
Est-il possible ! -le fut-il 
Le fier exil ! ce triste exile ? 
Mon âme dit à mon coeur: sais-je 
Moi-même que nous veut ce piège 
D'être présents bien qu'exilés ! 
Encore que loin en allés ? » 
Paul Verlaine (Romances sans paroles - La bonne chanson ou autre poème) 
 
AUGUSTIN 
Votre mal se dissipera sous peu, mon ami. 
 
LE COMTE 
Le pensez-vous vraiment, cher Maître ? 
 
AUGUSTIN 
Il en va ainsi au gré des saisons. 
 
MAMOUZELLE, surgit 
Ces Messieurs ont peut-être envi de menthe et de thym ?!  
 
LE COMTE 
Très volontiers ! Mamouzelle ! Chaque soir, j'apprécie vos infusions qui ont un effet salutaire sur ma fièvre. 
 
AUGUSTIN 
Mais par où êtes-vous entrée, je ne vous ai pas vu arriver ?  
 
 
MAMOUZELLE  
Ce soir, je vois que l'humeur est à la fête ! Cela tombe bien, j’avais préparé vos gâteaux préférés. 
 
LE COMTE 
Puisqu'il faut se sacrifier... Allons-y ! 
 
AUGUSTIN 
Je vais d'ailleurs m'y lancer le premier. 
 
MAMOUZELLE 
Eh bien, Messieurs, vous l'aurez voulu... j'y cours ! 
 
LE COMTE 
Les hommes et leurs petits péchés mignons!  
 
AUGUSTIN 
Je ne suis là que depuis vingt-quatre heures et me voici déjà sous le charme ! 
 
 
LE COMTE 
Seriez-vous d'humeur amoureuse, cher Maître ? 
 
AUGUSTIN 
« Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant 
D'une femme inconnue et que j'aime, et qui m'aime,  
Et qui n'est chaque fois, ni tout à fait la même 
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprends 
Car elle me comprend, et mon coeur, transparent 
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème  
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême 
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant. 
Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore. Son nom ?  
Je me souviens qu'il est doux et sonore  
Comme ceux des aimés que la Vie exila.  
Son regard est pareil au regard des statues,  
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave elle a  
L'inflexion des voix chères qui se sont tues. » 
Paul Verlaine (Mon rêve familier - Poèmes saturniens) 
 
LE COMTE 
Ne cherchez plus Augustin, vous l'avez trouvée ! 
MAMOUZELLE 
Voici les petits gâteaux, messieurs ! 
 
AUGUSTIN, s’adressant au Comte 
Mais hélas, je ne suis que de passage. 
 
LE COMTE 
N'avez-vous point recherché l'exil volontaire en ce lieu ?  
 
AUGUSTIN 
Un petit air de liberté m'a traversé l'esprit soudain.  
 
MAMOUZELLE 
Vous comptez déjà repartir, Augustin ? 
 
AUGUSTIN 
Pas avant d'avoir revu Roberto, qui, cette fois, je l'espère de tout coeur, sera plus serein que lors de notre dernière entrevue ! ?  
 
MAMOUZELLE 
Vous m1avez tellement parlé de lui, que j'ai hâte de le connaître !  
 
AUGUSTIN 
S'il ne manque pas à sa parole, bientôt je pourrai vous le présenter. 
 
MAMOUZELLE 
En attendant, finissez donc votre infusion, elle refroidit. 
 
FIN DE LA SCENE 3 
 
 
------ 
 
 
ACTE 1 / SCENE 4 
 
AUGUSTIN, LE COMTE, ROBERTO, MAMOUZELLE 
 
ROBERTO, chante à l'extérieur de l'Auberge 
« Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées; 
Mon paletot aussi devenait idéal; 
J'allais sous le ciel, muse ! et j'étais ton féal; 
Oh ! là ! là ! que d'amours splendides j'ai rêvées ! » 
 
AUGUSTIN 
Je ne vais pas tarder à vous présenter le « Prince des étoile », Mamouzelle. 
 
ROBERTO, entre dans l’auberge¬ 
« Mon unique culotte avait un large trou, 
Petit poucet rêveur, j'égrenais dans ma course  
Des rimes. Mon auberge était à la grande ourse,  
Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou... » 
 
AUGUSTIN, se lève 
« Et je les écoutais, assis au bord des routes, 
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes  
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur; » 
 
ROBERTO et AUGUSTIN, bras dessus, bras dessous 
« Où rimant au milieu des ombres fantastiques, 
Comme des lyres, je tirais les élastiques 
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur ! » 
Arthur Rimbaud (Ma bohème) 
 
FIN DE LA SCENE 4 
 
------- 
 
 
ACTE 1 / SCENE 5 
 
 
AUGUSTIN, LE COMTE, ROBERTO, MAMOUZELLE 
 
AUGUSTIN 
Te voila enfin, baladin ! 
 
ROBERTO 
Je ne fus pas trop long ? 
 
AUGUSTIN 
Laisse-moi te présenter à nos amis. Christophe Charles Henri, je vous présente Roberto qui s'en revient d'aventures tumultueuses ! Roberto, voici monsieur le Comte De la Bouche-En-Biais en personne, qui, tout comme moi, s'est exilé à l'Auberge de la Licorne, et dont les histoires inventées sur son compte ne cessent d'alimenter les ragots de voisinage. Je n'oublierai pas non plus de te présenter Mamouzelle, la maîtresse de ce lieu, qui a gentiment acceptée d'accueillir des poètes en exile ! 
 
ROBERTO, lui fait le baisemain 
C'est donc vous, Mamouzelle ! Augustin m'a beaucoup parlé de vous. 
 
MAMOUZELLE 
Je suis enchantée de recevoir le "Prince des étoiles " à l'Auberge de la Licorne! 
 
ROBERTO 
Je parie que c'est Augustin qui m'a surnommé ainsi ! Je reconnais là la marque de ses propos. 
 
AUGUSTIN 
Vous aurez tout le temps de dialoguer ensemble, ces jours-ci, mes amis ! Mais pour l'heure, Mamouzelle, je vous prierai de nous apporter le meilleur vin de votre cave, nous allons fêter le retour de notre bon prince.  
 
ROBERTO 
Je vois que tu n'as pas perdu tes bonnes vieilles manies.  
 
AUGUSTIN 
Ce soir, c'est exceptionnel ! Monsieur le Comte acceptera de porter 
un toast à nos retrouvailles ? 
 
LE COMTE 
Hélas, cher Maître, j'ai cessé de boire de l'alcool... et puis, je ne voudrais en aucun cas vous déranger. 
 
AUGUSTIN 
Comment cela, nous déranger ? 
 
ROBERTO 
Je me ferai un grand plaisir de porter un toast à notre rencontre, monsieur le Comte. 
 
LE COMTE 
Ce serait un honneur pour moi, mais voyez-vous, je suis trop las ces temps-ci. De plus, l'heure sonne pour moi d'aller me coucher. Je vous remercie tout de même, Baladin ! Bonsoir, Messieurs ! 
 
ROBERTO 
Ravi de vous avoir rencontré dans un si bref moment étoilé de poésie !  
 
AUGUSTIN 
Alors, il vient ce vin, Mamouzelle ? 
 
MAMOUZELLE 
Voila ! Voila ! 
 
AUGUSTIN 
Vous en avez mis du temps. 
 
MAMOUZELLE 
Il en faut du temps pour trouver la bouteille idéale, car en ce soir d'Automne pas comme les autres, nous fêtons des retrouvailles amicales très prononcées! Voici du « Champinelle », il provient de la Propriété Viticole de Monsieur le Comte de la Bouche-En-Biais. 
 
AUGUSTIN 
Vous êtes fait pour la poésie, ma chère. 
 
MAMOUZELLE 
C'est trop flatteur. 
 
ROBERTO 
Augustin sait ce qu'il dit. 
 
MAMOUZELLE 
Dans ce cas, messieurs, je vous propose une soirée poétique.  
 
ROBERTO 
Quelle bonne idée est-ce là ! J'adore faire des vers ! Quand penses-tu, Maestro? 
 
AUGUSTIN 
Demain soir, si vous voulez ? 
 
MAMOUZELLE 
Vous précipitez les choses, cher maître. 
 
ROBERTO 
La poésie se présente à nos lèvres sur l'instant, elle se manifeste dans notre vie quotidienne, elle ne s'envisage pas, elle se donne comme un matin. 
 
MAMOUZELLE 
Dans ce cas, je vous donne rendez-vous demain soir. Sur ces mots, je vous souhaite de passer une chaleureuse fin de soirée, messieurs.  
 
AUGUSTIN 
Bonne nuit, douce Mamouzelle ! 
 
MAMOUZELLE 
Bonne nuit, Monsieur Augustin ! (Elle quitte les lieux) 
 
ROBERTO 
A demain soir, très chère ! 
 
AUGUSTIN 
A nous deux, éternelle Baladin ! 
 
ROBERTO 
A ta santé, Maître Augustin ! 
 
AUGUSTIN 
A la tienne, bon Prince ! 
 
Fin de la Scène 5 
 
 
 
----------- 
 
 
ACTE 1/ SCENE 6 
 
ROBERTO, AUGUSTIN, MAMOUZELLE 
 
 
ROBERTO 
Tu m'as fait venir dans un endroit divin, mon ami! C'est bien mieux de se retrouver ici, plutôt qu'en ville, l'air y est plus pur.  
 
AUGUSTIN 
Je souhaite tirer un trait définitif sur le passé. 
 
ROBERTO 
« Nous nous aimions à cette époque, Bleu laideron ! 
On mangeait des oeufs à la coque et du mouron !  
Un soir tu me sacras poète; Blond laideron:  
Descend ici, que je te fouette en mon giron;  
J'ai déguelé ta bandoline, noir laideron;  
Tu couperais ma mandoline au fil du front.  
Pouah ! mes salives desséchées, roux laideron,  
infectent encore les tranchées de ton sein rond !  
ô mes petites amoureuses, que je vous hais !  
Plaquez de fouffes douloureuses vos tétons laids !  
Piétinez mes vieilles terrines de sentiments;  
Hop donc ! soyez-moi ballerines pour un moment !...  
Vos omoplates se déboîtent, ô mes amours !  
Une étoile à vos reins qui boitent tournez vos tours !  
Et c'est pourtant pour ces éclanches que (ai rimé !  
Je voudrais vous casser les hanches d'avoir aimé. » 
Arthur Rimbaud (Mes petites amoureuses) 
 
AUGUSTIN 
« Les sanglots longs des violons de l'automne 
Blessent mon coeur d'une langueur monotone.  
Tout suffocant et blême, quand sonne l'heure,  
Je me souviens des jours anciens et je pleure;  
Et je m'en vais au vent mauvais qui m'emporte  
Deçà, delà, pareil à la feuille morte. » 
Paul Verlaine (Chanson d'Automne - (Poèmes Saturniens) 
 
 
 
 
ROBERTO 
« Oisive jeunesse à tout asservie,  
Par délicatesse j'ai perdu ma vie.  
Ah ! Que le temps vienne où les coeurs s'éprennent; 
Je me suis dit: laisse, et qu'on ne te voit; Et sans la promesse de plus haute joies.  
Que rien ne t'arrête ! auguste retraite. J'ai tant fait patience qu'à jamais l'oublie; 
Craintes et souffrances aux cieux sont parties. 
Et la soif malsaine obscurcit mes veines. 
Ainsi la prairie à l'oubli livrée, Grandie !  
et fleurie d'encens et d'ivraies 
Au bourdon farouche de cent sales mouches. 
Ah ! Mille veuvages de la si pauvre âme  
Qui n’a que l'image de la Notre Dame !  
Est-ce que l'on prie la Vierge Marie ?  
Oisive jeunesse à tout asservie,  
Par délicatesse j'ai perdu ma vie. 
Ah ! que le temps vienne où les coeurs s'éprennent ! 
Arthur Rimbaud - (Chanson de la plus haute tour - Vers nouveaux et chansons) 
 
 
MAMOUZELLE, qui a surgi des chambres entre temps 
Vous n'êtes pas encore couchés, messieurs ? Il se fait tard, le savez-vous ? 
 
AUGUSTIN 
Nous prenions le dernier verre de l'amitié, Roberto et moi.  
 
MAMOUZELLE 
Roberto doit être très fatigué ? 
 
ROBERTO 
Effectivement ! 
 
MAMOUZELLE 
Suivez-moi ! Je vais vous indiquer votre chambre ! Quant à vous, Augustin, cessez donc de boire autant ! Il va falloir que je vous surveille de ce côté-là !  
 
ROBERTO 
Peut-être y réussirez-vous mieux que moi. 
 
 
AUGUSTIN 
Tu es bien placé pour en parler, Roberto ! (Il sort ensuite) 
 
FIN DE LA SCENE 6 
 
 
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ACTE 1 / SCENE 7 
 
MAMOUZELLE 
 
MAMOUZELLE 
Tout le monde dort à présent; à l'heure qu'il est, ces messieurs cuvent leur vin; ils ont si bien arrosé la soirée pour leurs retrouvailles ! 
(Elle s'approche ensuite de la fenêtre) 
 
« La lune cristallise mon âme tout entière  
Je me sens revivre pour I’éternité... 
 
Bientôt, mes noces annoncées pour I’hiver 
Donneront une place de choix à la paix 
Tant attendue, tant espérée, si reculée 
Du monde des hommes semeurs de frontières. 
Oppresseurs du monde où I’argent est roi, 
Veux-tu bien laisser tranquille tous ces opprimés ! 
 
La lune cristallise mon âme tout entière 
Je me sens revivre pour l’éternité. 
Faiseur de rêve, grand ordonnateur de la loi, 
N’en as-tu pas assez de ces guerres répétées ? 
Le plus fort I’emporte encore sur la Vérité ! 
Mais enfin, me direz-vous, faut se taire, 
Car, j'en veux pour preuve, il en faut des guerres,  
C’est ce qui, de tout temps, stimule l’Humanité ! » 
 
Monsieur Augustin, ce soir, je risque de vous surprendre ! ? L'inspiration SI manifeste tout naturellement en moi et me guide mot à mot. Vivement ce soir ! 
 
 
FIN DE LA SCENE 7 
 
 
 
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ACTE 1 / SCENE 8 
 
MAMOUZELLE, SYLVESTRE 
 
De nos jours… 
 
SYLVESTRE, sort de la cuisine 
Je me sers un petit verre de Champinelle, Mamouzelle. 
 
(Sylvestre passe derrière le bar et se sert un verre) 
 
MAMOUZELLE, dans la cuisine 
Merci pour la vaisselle, Sylvestre ! 
 
SYLVESTRE 
Votre récit est incroyable, ma petite dame ! Un vrai Conte poétique ! Quant au portrait que vous faites de nos chers Compagnons d'infortunes, je le trouve, ma fois, fort surprenant pour l'époque, je lui trouve un petit coté rebelle à monsieur Roberto; Quant à Monsieur le comte, quel angoissé de première ! En revanche, Augustin, lui, je dirais qu'il est toujours égal à lui-même, il n'a pas perdu de sa verve poétique !  
 
MAMOUZELLE, sort à son tour de la cuisine, un panier rempli de linge dans les bras 
Néanmoins, il n’est plus le gentleman romantique et passionné que j'ai connu. 
 
SYLVESTRE 
Lui, gentleman romantique et passionné… 
 
MAMOUZELLE 
Dommage qu'il se soit endurci avec le temps. 
 
SYLVESTRE 
Si vous me dites qu'il fut rêveur, je veux bien le croire, mais de là à l'imaginer romantique et gentleman... 
 
MAMOUZELLE 
Ah ! Si vous aviez connu mon Augustin à cette époque...comme il était gracieux, enjoué, serviable... 
 
SYLVESTRE 
Et si vous me racontiez la suite du feuilleton, bergère ! Hein ! Qu’en dites-vous? 
 
MAMOUZELLE 
Ce fut des instants comme une tranche d'irréelle ! 
 
SYLVESTRE 
Je présume que monsieur le Comte, remis de ses blessures, retourna dans son château le lendemain matin...que Roberto séjourna un mois complet à l’Auberge, et qu'il fut le témoin de vos noces. Le coup classique, quoi !  
 
MAMOUZELLE 
Ce ni est pas exactement cela, facteur ! 
(puis elle prend la direction du jardin) 
 
SYLVESTRE 
Attendez ! Où allez-vous comme ça ? 
 
MAMOUZELLE 
Venez m'aider à étendre le linge, Sylvestre ! 
 
 
FIN DE LA SCENE 8 
 
FIN DE L’ACTE 1 
 
 
FIN DU 8-ième EPISODE 
 
Affaire à suivre dans le 9ième épisode intitulé : « SUPRÊME VEILLEE » 
 
 
 
 
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